Le Club des Médiateurs de services au public a organisé le 24 janvier dernier un Atelier dédié à l’Ecoute en Médiation.
L’écoute constitue en effet un élément essentiel dans la médiation, et c’est toute la noblesse et la difficulté de ce rôle, qui demande une réelle humilité de la part du médiateur.
Anne Guillaumat de Blignières et Christophe Baulinet ont introduit ce thème qui fait l’objet de leur mémoire dans le cadre de leur diplôme universitaire de Médiateurs à IFOMENE (Institut de formation à la Médiation et à la Négociation).
Les intervenants, tous professionnels de l’écoute, ont évoqué chacun les vertus et la nécessité de l’écoute.
- Le Dr Philippe RODET, médecin et conseil de grands groupes.
Il a rappelé l’intérêt de la bienveillance en médiation, et les effets biochimiques positifs créés par l’écoute bienveillante d’un médiateur : les hormones ainsi produites génèrent confiance et créativité, tout en diminuant le stress.
- Jean-Edouard GRESY, médiateur, négociateur, et docteur en anthropologie.
Il a abordé le don de la disponibilité du médiateur et l’équilibre des dons entre les parties prenantes.
- François CHARVIN, psychanalyste et médiateur dans le secteur social.
Il a évoqué la création d’un espace de médiation, ou comment être passeur de l’écoute que l’autre ne peut pas faire lui-même.
- enfin Stephen BENSIMON, normalien et philosophe, médiateur, directeur de l’IFOMENE, a conclu les échanges.
Sa conclusion a permis de citer un passage ci-dessous de Jean-François Six et de son livre référence édité chez Seuil, Le Temps des Médiateurs , page 187 :
« … Si ce tout premier travail, l’écoute, est bien fait (par le médiateur), le médiateur communique à chacune des parties que l’écoute de l’autre, non seulement n’est pas inutile, mais qu’elle est importante. Une sorte de contagion de communication s’accomplit. A travers l’écoute profonde dans laquelle il entre, le médiateur apprend à chacun des protagonistes que cela en vaut la peine ; il communique à chacun cet intérêt de l’écoute. Dès lors, chacun en arrive à comprendre le rôle de l’écoute et à penser qu’il y aurait intérêt à écouter l’autre, à écouter sa position. »
Par ailleurs, Anne et Christophe vous proposent leur témoignage, résultant de leur mémoire « L’écoute en médiation » :
« Certains pourraient s’étonner que deux médiateurs institutionnels en formation à Ifomene aient choisi « l’écoute en Médiation » comme thème de leur mémoire : en effet le processus de leurs médiations se déroule quasi-totalement par écrit. Mais, comme le souligne Jean-François Six, « la médiation est d’abord et avant tout une écoute, et elle a pour toute première tâche d’entrer en communication avec chacune des deux parties ».
Instrument de paix, la médiation a pour objectif de résoudre à l’amiable un différend entre des personnes volontaires pour entrer dans ce processus, avec un état d’esprit d’ouverture et de respect de l’autre. Une non-écoute ne permettrait pas de renouer un lien entre des personnes en mésentente.
Nos recherches se sont appuyées sur les théories de l’écoute active de Carl Rogers et de la communication non violente de Marshall B. Rosenberg, sans oublier la médecine et les neurosciences, la psychanalyse, les classiques comme Plutarque et la spiritualité chrétienne.
L’une de nos certitudes est la nécessité de s’écouter soi-même en tant que médiateur, pour être totalement présent et à la fois sans volonté sur ce que peuvent décider les parties, dans le respect de celles-ci, mais en étant là tout entier avec les parties. Simultanément, le médiateur doit écouter les parties et les aider à s’écouter entre elles.
L’écoute revêt plusieurs dimensions en médiation, et constitue une clé de sa réussite. Pour être efficace, elle nécessite une attitude empreinte d’humilité, non naturelle, qui exige une formation, une concentration triple, et aussi « de l’amour » pour l’autre.
Merveilleusement, les neurosciences rejoignent la psychologie et la philosophie, en expliquant pourquoi la bienveillance est efficace, et comment elle produit confiance et créativité.
Nous avons perçu les limites liées à l’anatomie humaine, celles provenant des filtres culturels et du cadre de référence de chacune des parties et du médiateur : autant d’obstacles à une écoute véritable et concrète de ce que l’autre veut exprimer et de ses besoins.
L’écoute est tout sauf naturelle et simple. Elle est comme un cadeau, un espace pour se dire en toute sécurité, sans volonté sur l’autre de la part de l’écoutant. Le médiateur est ainsi décentré de lui-même mais bien présent, c’est toute la difficulté : il doit être centré sur les personnes présentes, empathique, bienveillant, congruent, disponible et concentré.
Selon la psychologue Florence d’Assier de Boisredon, « c’est notre être tout entier physique, psychique, spirituel, qui est sollicité dans l’écoute ».
Par cette écoute à trois, la médiation transforme un face à face à une approche trine qui facilite la circulation de la parole. C’est l’une des spécificités du médiateur par rapport aux autres professionnels de l’écoute.
Ce mémoire nous a apporté un recul et une réflexion sur nos pratiques, y compris dans nos processus écrits. Il nous engage à une attention décuplée à l’écoute « de qui est là présent » pour entendre la « clameur » des requérants.
« Il faut trois ans pour apprendre à parler et toute notre vie pour apprendre à écouter. » (Confucius)
En conclusion :
L’écoute est tout sauf naturelle et simple. Elle est en cela un cadeau, un espace pour échanger en toute sécurité, sans volonté sur l’autre de la part de l’écoutant. Paradoxalement, l’écoute de soi est nécessaire pour bien écouter l’autre et pour être authentiquement là.
La Médiation permet de passer d’un face-à-face à une approche trine: cela change tout.